Souvent, alors que nous présentions les résultats d’une consultation ou d’une concertation aux commanditaires, la sentence tombait : « ce n’est pas représentatif ». Tel conseil de quartier, ou groupe de travail constitué pour un projet, ne représentait pas la population concernée, donc son avis ne valait rien. Ce manque de représentativité venait enterrer les résultats, disqualifier la démarche même.

Déjà à la base, les mots entretiennent l’ambiguïté : on ferait de la démocratie participative, souvent opposée (à tort) à celle dite représentative, mais on nous reproche le manque de représentativité…

Ce genre de situation participe au flou du rapport entre les élus et les citoyens engagés dans des dispositifs de démocratie participative. Or, quand il est question d’élus, on ne considère pas qu’ils doivent être représentatifs de la société, mais bien que l’élection leur donne le droit de représenter le peuple (ce qui n’est pas tout à fait pareil).

Ainsi donc, confrontés à ce fameux manque de représentativité, nous devions trouver un moyen d’attirer dans notre dispositif participatif les manquants, les « invisibles », les « sans-voix » et autres surnoms qui en disent beaucoup sur l’image qu’on a d’eux.

(Alors que beaucoup ne participent pas, juste parce qu’ils n’en ont rien à carrer – mais ceci est une autre question).

Généralement, la représentativité se construit sur la base de critères socio-démographiques : le genre, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle… critères en soi critiquables, mais qui ont le méritent d’être compréhensibles et pas trop suspects.

Cette méthode suppose qu’une diversité sociologique traduit une diversité d’opinion.

Là j’ai un doute mais admettons.

Dans la vraie vie, il faut déployer une énergie phénoménale pour trouver des participants à la fois volontaires (oui, quand même) et qui correspondent à nos objectifs.

D’abord décider des critères (accrochez-vous) en s’appuyant sur des statistiques fiables et exploitables.

Ensuite constituer le groupe idéal : 

  • susciter des candidatures,
  • faire le tri entre elles en mesurant l’impact très négatif qu’aura l’exclusion d’une personne sous le prétexte « on en a déjà, désolé ».
  • trouver les profils qui manquent. Généralement il manque des jeunes, des actifs, des précaires (et aussi des très riches, mais eux on les laisse tranquilles), des femmes, des immigrés, des parents, des personnes en situation de handicap etc.

Au risque de décevoir, je tiens à affirmer que non, il n’y a pas une foule de citoyens qui attend fébrilement d’avoir la chance de répondre à un appel à volontaires ou à projets.

Il faut aller les chercher, les convaincre, leur donner des gages et créer les bonnes conditions du dialogue. Et tout ça demande du temps, donc de l’argent : encore un bâton tendu aux détracteurs de la participation citoyenne « ça coûte trop cher ».

J’ai une pensée émue pour la professionnelle débutante que j’étais, ravie d’avoir enfin pu convaincre une femme, active et mère, de participer à un conseil. On s’était démené pour offrir un mode de garde pendant les séances. Le jour J arrive, ainsi que la femme en question… avec 2 amies.

Et bim ! J’avais maintenant trop de femmes, trop diplômées, il y en avait même une de plus de 50 ans (!). Soupir.

Bref :

  • considérant l’énergie nécessaire à la recherche de la représentativité,
  • considérant l’apport de cette représentativité à la qualité du travail fourni,
  • je décide que non, je ne laisserai plus démolir un dispositif participatif parce que « ce n’est pas représentatif ».

Par contre, et j’insiste : il est indispensable de rechercher la diversité des points de vue. 

Ce n’est pas moins exigeant mais tellement plus enrichissant.

À suivre…

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